Arrêts maladie : le gouvernement envisage de doubler le nombre de jours de carence, passant de 3 jours non indemnisés à 6

Posted 28 juillet 2025 by: Admin
Alors que le déficit de la Sécurité sociale ne cesse d’inquiéter les pouvoirs publics, une piste fait débat : allonger le délai de carence avant l’indemnisation des arrêts maladie dans le privé. Une mesure qui suscite vives inquiétudes chez les salariés, les employeurs… et les syndicats.
Actuellement, un salarié du privé perçoit ses indemnités journalières de l’Assurance maladie à partir du 4e jour d’arrêt. Mais le gouvernement envisage d’allonger ce délai à sept jours, ce qui signifierait trois jours supplémentaires non indemnisés, sauf si l’employeur décide de les couvrir. Objectif annoncé : réduire les dépenses de la Sécurité sociale, dont le déficit reste structurel. Une mesure aux conséquences potentiellement lourdes pour les salariés les plus fragiles.
Pour les salariés, une perte sèche et un sentiment d’injustice
Dans les Yvelines, une entreprise spécialisée dans la sécurité sur les chantiers illustre bien les inquiétudes du terrain. Franck Vincent, formateur, ne mâche pas ses mots : « Avec le coût de la vie aujourd’hui, si en plus on tombe malade et qu’on n’est pas payé, c’est une double peine. » Pour sa collègue Audrey Thetier, la santé ne peut pas devenir une variable d’ajustement budgétaire : « On ne peut pas sacrifier la santé, c’est ce qui nous permet de travailler et de vivre. » Elle estime que perdre près de 300 euros pour trois jours non indemnisés serait tout simplement insupportable pour de nombreux salariés.
Les employeurs redoutent une charge transférée
Du côté des employeurs, le scepticisme est tout aussi vif. Patrick Diamant-Berger, dirigeant de l’entreprise, redoute que la responsabilité d’indemniser les salariés durant ces jours supplémentaires repose in fine sur les entreprises : « Ce serait faire le travail de la Sécu à sa place. » Aujourd’hui, beaucoup de sociétés compensent déjà les trois premiers jours de carence, mais généraliser cette prise en charge pourrait peser lourd sur les petites structures ou les secteurs à forte pénibilité.
Une mesure qui accentuerait les inégalités
Pour les syndicats, cette réforme risquerait d’amplifier les fractures sociales. Denis Gravouil, de la CGT, tire la sonnette d’alarme : « Ce sont les plus précaires qui seraient les premières victimes : intérimaires, salariés de TPE, ou ceux sans complément d’entreprise. » En effet, les deux tiers des salariés du privé bénéficient d’un maintien de salaire par leur employeur, mais les autres, souvent en contrat court ou peu protégés, se retrouveraient directement exposés à cette perte de revenus.
Une économie estimée à 900 millions d’euros
La Cour des comptes, en 2024, avait déjà recommandé cette piste. En rallongeant le délai de carence à sept jours, près d’un milliard d’euros d’économies pourraient être réalisés chaque année pour la Sécurité sociale. Un argument de poids en période de disette budgétaire, mais au prix d’un renoncement possible aux soins, ou d’une pression accrue sur les salariés malades, incités à travailler malgré leur état de santé.
Travailler malade : un risque pour tous
En creux, cette mesure pose la question de la responsabilisation du salarié face à la maladie. Travailler malade pour éviter de perdre trois jours de salaire pourrait devenir un réflexe courant, au détriment de la santé collective et de la qualité du travail. Un choix dangereux, alertent les médecins et les spécialistes en prévention. L’absentéisme évité sur le court terme pourrait entraîner, à moyen terme, une hausse des complications médicales, voire des arrêts plus longs.
Une réforme à risque politique et social
Allonger la carence des arrêts maladie reviendrait à modifier un équilibre fragile entre protection sociale et responsabilité individuelle. Si l’objectif budgétaire est compréhensible, le coût humain pourrait s’avérer bien plus élevé, notamment pour les travailleurs les plus vulnérables. La concertation entre partenaires sociaux, syndicats et employeurs s’annonce cruciale dans les prochaines semaines.