Ciotti veut interdire les mariages avec des OQTF: « C’est contraire au droit national », tacle une avocate

Posted 27 juin 2025 by: Admin
Le mariage au cœur d’une bataille politique et juridique : la proposition de loi d’Éric Ciotti visant à interdire les unions avec des personnes sous OQTF soulève une vive controverse. Entre défense de la souveraineté nationale et respect des droits fondamentaux, le texte divise jusque dans les rangs constitutionnels.
Dans le cadre de la « niche parlementaire » du groupe UDR, Éric Ciotti entend durcir le droit au mariage pour les personnes étrangères sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). L’objectif affiché : lutter contre les mariages blancs, soupçonnés de servir de levier pour des régularisations frauduleuses.
Le député des Alpes-Maritimes, allié stratégique de Marine Le Pen, a ainsi repris un texte déjà adopté par le Sénat. Celui-ci autoriserait les maires à refuser de célébrer un mariage dès lors que l’un des futurs époux est sous OQTF, sans avoir à en référer préalablement au procureur.
Ce projet de loi fait écho à une affaire récente : celle de Robert Ménard, maire de Béziers, poursuivi pour avoir refusé de célébrer une union impliquant un ressortissant en situation irrégulière. L’élu encourt jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende, suscitant l’indignation de certains élus, dont Ciotti, qui déclare :
« On marche sur la tête ! Cette situation est ahurissante. »
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Un droit fondamental reconnu par la Constitution… et l’Europe
Mais le texte se heurte à une limite de taille : le droit. Comme le rappelle Vanessa Edberg, avocate spécialisée en droit des étrangers, le mariage constitue un droit fondamental protégé par la Constitution française et par la Convention européenne des droits de l’homme (article 12). Elle explique :
« Le maire est tenu de célébrer un mariage, même si l’un des deux époux est sous OQTF. En cas de doute sur la sincérité de l’union, il peut toutefois saisir le procureur. »
L’existence d’un dispositif déjà en place contre les mariages frauduleux rend la proposition de loi redondante aux yeux de nombreux juristes. En effet, l’ouverture d’une enquête sur soupçon de mariage blanc est déjà prévue par la législation actuelle. Par ailleurs, se marier ne permet pas à un étranger de régulariser automatiquement sa situation.
Pas de régularisation automatique après un mariage
Contrairement à une idée reçue, un mariage ne suffit pas à annuler une OQTF ni à obtenir un titre de séjour. L’étranger marié à un(e) Français(e) doit remplir plusieurs critères :
-
18 mois de vie commune effective ;
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7 ans de présence sur le territoire français (ou 5 ans selon les anciennes règles de la circulaire Retailleau) ;
-
Absence de menace à l’ordre public.
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Autrement dit, le mariage est une condition parmi d’autres, et ne dispense pas d’un parcours administratif rigoureux et souvent long. En 2022, seuls 406 mariages concernaient une personne sous OQTF, soit moins de 0,2 % des 250 000 unions célébrées cette année-là, selon le député LFI Aurélien Taché.
Un texte menacé d’inconstitutionnalité
Face aux risques d’atteinte aux libertés fondamentales, 60 députés s’apprêtent à saisir le Conseil constitutionnel si la proposition venait à être adoptée. En effet, le texte pourrait être retoqué pour non-conformité avec la Déclaration des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui protège l’accès au mariage, même en cas d’irrégularité de séjour.
Vanessa Edberg précise :
« Un étranger pourrait soulever une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) pour demander l’abrogation de cette loi. »
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Et même si la loi était promulguée, elle pourrait être neutralisée à l’occasion d’un contentieux individuel, rendant sa portée juridique incertaine.
Un enjeu politique davantage que juridique ?
Derrière cette proposition, se dessine une manœuvre politique plutôt qu’un besoin juridique immédiat. Alors que la droite dure multiplie les signaux de fermeté sur l’immigration, ce texte semble vouloir envoyer un message à l’électorat, plus que combler un vide législatif.
D’autant que le droit actuel permet déjà de lutter contre les mariages de complaisance, et que les cas de régularisation via le mariage restent extrêmement rares. L’enjeu, ici, semble davantage symbolique et idéologique qu’opérationnel.